La parenté à plaisanterie est une pratique sociale typiquement d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale qui autorise, voire parfois oblige, des membres d’une même famille (tels que des cousins éloignés), certains noms de famille (Traoré vs Kone, Ouedraogo vs Zerbo), de certaines ethnies ou des habitants de telle région, territoire et province (on parle alors d’alliance à plaisanterie) à se moquer ou s’insulter, et ce, sans conséquence. Ces affrontements verbaux sont analysés par les anthropologues comme des moyens de décrispation, de cohésion ou réconciliation sociale, voire une pratique sacrée.
Au Burkina Faso, en fonction des ethnies, les circonstances de sa mise en place sont différentes. La relation s’est instaurée parfois lors de conflits au travers d’alliances guerrières, comme entre les Mossis et les Samo. Parfois, elle s’est développée entre des peuples aux modes de vie différents, comme c’est le cas par exemple entre les Bobo, sédentaires cultivateurs, et les Peuls, nomades éleveurs.
Au Burkina Faso, où la parenté à plaisanterie est également très développée, la pratique se décline entre membres d’ethnies, entre patronymes, mais aussi entre territoires tels que les régions, les provinces ou les villages. Parmi les alliances à plaisanteries les plus pratiquées au quotidien, on peut citer celles qui lient les Bobos et les Peuls, les Bissas et les Gourounsis, les Samos et les Mossis ou encore les Yadga et les Gourmantché. Les dialogues moqueurs qui découlent de ces relations font appel à des caractères spécifiques de ces ethnies, souvent liés aux habitudes alimentaires ou à leur mode de vie. Les Bobos diront des Peuls que leur bétail détruit les cultures, et les Peuls moqueront les Bobos sur leur prétendue consommation (excessive) d’alcool.
La parenté à plaisanterie ne connait pas de limite dans sa pratique. Au Burkina Faso, lors des enterrements, les parents à plaisanterie peuvent aller jusqu’à moquer le défunt en l’imitant, ou font semblant de pleurer devant les membres de la famille. Il s’agit d’une mise en scène que seuls les plus proches amis du défunt peuvent jouer. Dans ce cas, la parenté à plaisanterie détourne l’idée de la mort, la banalise en quelque sorte et rappelle les liens qui unissent les deux ethnies. Lors de l’enterrement du général Aboubacar Sangoulé Lamizana, ancien chef de l’État, les Burkinabés ont pu assister à une scène de ce type.

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Parent%C3%A9_%C3%A0_plaisanterie

 

Origine
La tradition orale raconte que cette coutume a été instaurée par Soundiata Keïta lors de la fondation de l’Empire du Mali. Il est néanmoins très probable qu’elle soit plus ancienne, et qu’elle n’ait été que confirmée à cette occasion.

Exemple

Les Samo pensent que les Mossi sont peu raffinés et qu’ils ont des comportements barbares et un mauvais penchant à vouloir toujours être les chefs, là où ils se trouvent. En retour, les Mossi pensent que les Samo sont anarchiques dans leur système d’organisation ; ils les traitent de voleurs, et même de voleurs de biens futiles que l’on pourrait se procurer gratuitement. Selon eux, les Samo auraient la manie de voler aux femmes (et même à leurs propres femmes) le « zom koom », cette eau fraîche, farineuse et sucrée dont ils raffoleraient, alors qu’ils pourraient se la faire offrir. Dans le jeu verbal de la plaisanterie, un des protagonistes doit convaincre l’autre de la déraison et de la faiblesse de l’organisation sociale de son groupe ethnique.

Source : https://journals.openedition.org/communication/5503

Les relations de plaisanteries au Burkina Faso

Un mode de communication pour la paix sociale
Le Burkina Faso est un pays multiethnique où cohabitent plus de soixante groupes culturels. Des échanges multiformes ont toujours caractérisé leur cohabitation. Un fait important né de ces échanges est le jeu verbal et gestuel des relations de plaisanteries, véritables joutes oratoires faites d’insultes, de menaces et de railleries grossières. Les relations de plaisanteries ou encore «parentés à plaisanteries» visent le soutien, la solidarité et la camaraderie entre les différents acteurs sociaux, spectateurs comme « protagonistes » du moment. L’auteur cherche à comprendre comment survivent aujourd’hui ces relations de plaisanteries au Burkina Faso et à connaître quelles nouvelles valeurs sociales elles véhiculent.

Cette étude vise à comprendre la pratique des relations de plaisanteries aujourd’hui au Burkina Faso. Pourquoi se maintiennent-elles encore, avec une si grande vivacité ? Deux faits marquants de relations de plaisanteries illustrent mes interrogations :

Village de Sidogo, le 8 avril 1997, dans la province du Sanmatenga.

Le premier s’est déroulé dans un village mossi : j’étais en sortie d’études de terrain avec des étudiants ; lors de la visite de courtoisie et de prise de contact préalable avec les habitants du village, avant les enquêtes proprement dites, un jeune Samo parmi les étudiants, feignant une attitude de colère, s’est adressé de façon très agressive à un vieux Mossi parmi nos interlocuteurs, lui disant qu’il était très sale et très mal habillé et qu’il devait d’abord aller se laver, avant de venir lui dire bonjour, à lui. Nous étions tous choqués par de tels propos ; mais le vieux Mossi, sans se troubler aucunement, ni s’offusquer, lui répondit qu’il « n’était qu’un Samo », et qu’il était indigne de faire partie de notre groupe de « gens bien » ! Comment a-t-il su que l’étudiant était effectivement Samo ? S’étaient-ils vus auparavant ? Ce clash n’allait-il pas compromettre notre sortie d’études ? Autant de questions inquiétantes que nous nous posions tous. Toujours est-il que durant le séjour d’enquêtes, le vieux Mossi et l’étudiant samo se sont provoqués et défiés souvent, de façon ostentatoire, en une réciprocité désormais complice ; et c’est même cette pratique de relations de plaisanteries qui a été notre vraie porte d’entrée dans le village, pour la réussite de nos enquêtes.